L’invité du lundi | Abdelhamid Hergal (ex-international et ancien joueur du ST) : «Le Stade a été trahi par ses dirigeants»

Quand on l’a interrogé sur la situation actuelle du Stade Tunisien, notre invité n’a pas mâché ses mots. Pour lui, le problème du club du Bardo réside essentiellement dans ses dirigeants qui, selon lui, n’ont pas le profil de l’emploi.

En l’espace de cinq ans seulement, le Stade Tunisien rétrograde en deux fois en Ligue 2, comment expliquer ces deux relégations ?

Mon explication est la suivante: le Stade Tunisien fut à une époque, bien lointaine hélas, dirigé par des personnalités sportives et publiques qui avaient l’aura et le profil de grands dirigeants sportifs. Je cite en particulier feu Hédi Ennaifer. Il était un passionné du Stade Tunisien. Il n’hésitait pas à donner de son temps et de sa santé pour le servir par amour, mais aussi par conviction. 

Feu Hédi Ennaifer finançait également le club sans arrière-pensées, sans contrepartie. Malheureusement, nous n’avons pas eu ces dernières années des dirigeants de la trempe et de la grandeur du feu Hédi Ennaifer. Pour moi, c’était le dernier grand dirigeant stadiste. Ceux qui ont géré le club par la suite n’avaient pas le profil de l’emploi. Ils n’avaient ni politique ni stratégie sportive. Il ne faut pas dès lors s’étonner de voir ce grand club relégué à deux reprises en Ligue 2 en l’espace de cinq ans. Le problème du Stade Tunisien réside dans ses responsables. 

Par son histoire et son palmarès qui ont fait sa grandeur depuis sa création, notamment les années de gloire de son équipe de football, c’est un club qui mérite de meilleurs dirigeants. Les responsables qui se sont succédé à la tête du ST, depuis Hédi Ennaifer, n’ont pas su préserver son rang de grand club. 

Ces responsables ont fait du Stade Tunisien un tremplin pour servir leurs intérêts personnels. Ils ne portaient pas l’amour du club dans les veines. Tout simplement, le Stade Tunisien a été trahi par ses dirigeants et c’est ce qui a conduit à sa perte.

L’instabilité technique n’est-elle pas l’une des causes majeures de la relégation cette saison ?

Bien entendu. On ne peut pas changer un entraîneur au bout de deux à trois semaines. Je rappelle que Ameur Hizem est resté avec nous trois années. André Nagy est resté également avec nous trois saisons. Or, cette année, on a eu trois entraîneurs en une saison. C’est la preuve que la politique sportive du bureau directeur est erronée. C’est comme si «on se met le doigt dans l’œil». 

Il faut savoir que la continuité, le suivi et en premier lieu le choix de l’entraîneur, sont le b.a-ba de la politique sportive d’un club professionnel de football. On ne recrute pas un entraîneur parce qu’on l’a vu faire le consultant à la télévision.

Restons avec la question de l’instabilité technique. Le limogeage d’Anis Boussaïdi n’a-t-il pas été la première erreur qui a causé la relégation de l’équipe ?

Evidemment que c’était la première erreur commise par le bureau directeur cette saison. D’abord, Anis Boussaïdi est un enfant du club. Il est venu entraîner gratuitement, par amour du club. C’est un entraîneur à la forte personnalité, qui a du vécu et des idées plein la tête. Je pense que c’est pour toutes ces qualités qu’on l’a limogé, aussi insensé que cela soit. 

Certains dirigeants n’aiment pas les entraîneurs à la grande gueule. Sinon, je ne trouve pas d’explication logique à son limogeage. Il n’a pas commis d’erreurs, il a fait du bon travail et, le plus important, les résultats étaient bons.

Que pensez-vous des choix portés d’abord sur Nassif Bayaoui, puis sur Ghazi Ghrairi ?

Faire du changement pour le changement n’est jamais utile quelles que soient les compétences de l’entraîneur choisi. Nassif Bayaoui a été recruté pour, au final, être remercié au bout de quatre semaines. C’est insensé. Pour Ghazi Ghraïri, je ne l’ai pas côtoyé et je n’ai pas vu sa façon d’entraîner. Toutefois, je déplore comme je vous l’ai dit le changement de trois entraîneurs en une saison. Par ailleurs, les résultats parlent d’eux-mêmes. 

Le Stade Tunisien n’a pas gagné huit matches disputés à domicile. C’est la conséquence directe de l’instabilité technique. Pour moi, les conditions de réussite n’ont pas été réunies pour chacun des trois entraîneurs qui ont pris en main l’équipe cette saison. Le bureau directeur ne les a pas assurées. Les joueurs sont honnêtement limités. Ceux que j’ai vu cette année endosser le maillot du Stade Tunisien n’avaient pas les moyens et le bon profil. Ils ne sont pas dignes du club du Bardo.

Ghazi Ghrairi n’a-t-il pas fui ses responsabilités en quittant le navire une semaine avant le dernier match contre le CA ?

Ah oui ! Incontestablement. Quitter le navire de cette manière-là est inacceptable. La règle en football veut qu’un entraîneur assume entièrement ses responsabilités en allant jusqu’au bout de sa mission. Comme il a quitté une semaine avant le dernier match de la saison alors que l’équipe jouait son maintien, la moindre des choses est qu’il explique les raisons qui l’ont poussé à prendre cette décision C’était un match de vie ou de mort et Ghazi Ghrairi, en tant que capitaine, a déserté son navire.

L’attitude désintéressée des joueurs après la défaite devant le CA à laissé tout le monde perplexe…

Personne n’a contesté. C’est hallucinant ! J’ai eu l’opportunité de porter les couleurs de l’EST à la fin de ma carrière. C’est un grand club animé par la culture de la gagne. Un club qui vit à travers les titres, chose qui nous manque cruellement au Stade Tunisien. Et quand on voit l’attitude des joueurs après le match du CA, il y a de quoi tomber malade. Je me souviens qu’en 1990, nous avions fait match nul (2-2) avec l’Espérance. L’arbitre nous avait privé d’un but et avait fait de même avec l’EST. 

J’étais capitaine du ST. Je n’avais pas lâché l’arbitre, j’ai contesté farouchement ses décisions outrageuses. Or, ce que j’ai vu contre le CA, c’est une totale absence d’amour du club, voire d’amour-propre. Des joueurs, sourire aux lèvres, alors que l’arbitre a sifflé un penalty fictif et a expulsé leur camarade, franchement, c’est inouï.

L’avenir du Stade Tunisien n’est-il pas dans ses jeunes ?

Absolument. Faut-il pourtant s’occuper convenablement de la section des jeunes, toutes catégories confondues, en assurant une formation adéquate. Toute la question est là.

Car du talent, il y en a eu toujours eu au Stade Tunisien. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi on a laissé partir Chikhaoui et Sfaxi ? Je trouve aussi une aberration que des joueurs évoluant en Europe viennent endosser le maillot du Stade Tunisien.

Je trouve cela bien louche. Bref, la politique de recrutement est à revoir dans les deux sens.

Que pensez-vous de l’actuelle génération des joueurs de l’équipe nationale ?

Croyez-moi, je ne regarde pas le football d’aujourd’hui. Quand on côtoie des grands noms de la trempe d’Ayadi Hamrouni, Jamel Limam, Faouzi Rouissi, Tarak Dhiab et feu Hamadi Agrebi, on ne peut pas comparer avec l’actuelle génération. Incomparable même.

Vous ne voyez pas un joueur créateur dans la génération actuelle qui soit le digne héritier d’Abdelhamid Hergal ?

En toute franchise et en toute modestie, non. Je ne vois pas ce joueur-créateur qui peut être le digne hériter des joueurs de ma génération et pas seulement ma modeste personne.

Rien que les noms des anciens joueurs que je viens de vous citer confirment qu’il y a un fossé entre l’ancienne et l’actuelle génération.

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